C’est jour de cérémonie, une fête familiale teintée d’émotions diverses. Toute la famille de Surya est là pour s’adonner à divers rituels. Depuis de nombreuses années Surya souffre d’un problème qui lui empoisonne l’existence et pour lequel elle doit se faire opérer. Dans pareille situation, la culture Newar invite à mettre les dieux de son côté. Nous sommes donc réunis au temple. Il faut faire des offrandes à Ganesh.
La famille a confectionné cinq pots contenant chacun 25 000 mèches de coton qu’il faut dispatcher près du temple puis faire brûler. Tout le monde est invité à tourner autour, puis à remuer chaque brasier à l’aide d’un bâton. C’est en même temps, une fête familiale. L’optimisme est dans les cœurs, le pique nique a été emporté sur place. Les dieux auront leur part.
La scène est belle mais …
Alors que nous partageons copieusement riz soufflé et curry de légumes, des enfants semblent livrés à eux-mêmes. Ils jouent dans l’enceinte du temple. Le contraste est saisissant et leurs regards ne trahissent pas. Les enfants ont faim. Les parents de Surya tendent à chacun une assiette.
Depuis longtemps j’observe ces enfants. Je comprends pourquoi l’un d’eux ne jouait pas avec les autres. Alors qu’il se lève, pour venir chercher sa part, je découvre qu’il traîne la jambe.
Placé un peu en retrait, je dissimule comme je peux mon émotion derrière mes lunettes noires. Mais comme toujours, avec leur sixième sens, Prithivi et Surya me devinent. Ils viennent m’entourer pour me réconforter de leur proximité. Les mots sont absents. Le para-verbal prend tout son sens.
C’est un peu plus tard, dans la soirée, que je parviens à reparler de la situation. Je demande à Surya. Tu sais ! cet enfant handicapé, à un moment tu l’as appelé pour lui dire quelque chose en népalais ! D’un coup, il a sourit ! Je peux savoir ce que tu lui as dit ?
Je lui ai demandé s’il me reconnaissait. Il m’a dit qu’il m’avait vu à Duwakhot. Il s’est souvenu que je lui avais donné des vêtements et de la nourriture. Je lui ai juste dit que … s’il avait besoin de quelque chose, il pouvait revenir.
Surya me confie aussi qu’elle est déjà allé voir sa mère pour lui dire que son fils mérite qu’on s’occupe mieux de lui.
Ces instants ne sont pas seulement anecdotiques. Comment dire combien nous pouvons être fiers de Surya et Prithivi, si ce n’est à travers quelques instants révélateurs comme celui-ci.